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Amalia Achard - Poèmes
 
Délivrance
 
Viens, noir absolu, me délivrer,
toi seul peux apaiser ma grande douleur
de ces nuits trop belles pour être déchiffrer
par mon humble regard baragouineur
me délivrer de cette lumière aveuglante
qui empêche mes sens de trouver le sommeil,
qui s’écoule en moi comme une cascade bruyante
et rend mes viscères addicts au soleil
de cette majestueuse et imposante montagne
qui mène mon esprit sur des pics effrénés,
de la mer bleu qui de mon âme m’éloigne
l’encourageant se noyer dans ses pleurs enchantés
viens me délivrer de l’amour pour l’homme
que j’appelle par son nom dans mes rêves,
sa beauté excentrique obsède chaque atome
de mon être effrayé qui réclame une trêve
viens, noir absolu, me délivrer
de la grâce de fleur, de source, d’étoile filante,
du regard innocent d’un enfant m’épargner
pourrais-je, le croisant, rester indifférente?
viens, noir absolu, me délivrer
de cette immense beauté qui m’entoure
en plus grande quantité que je ne peux endurer,
qu’au sein de ton rien je trouve secoure!
 
 
Rêve
 
Non seulement un rêve, mais une forteresse,
non seulement une forteresse, mais un monde
où, si je le désire,
je peux être la mer
en chassant le vent
tantôt vers le large, tantôt vers le rivage,
un balancement entre coucher et lever de soleil
un do-do, do-do...
Être la mer, ça ne fait pas mal.
Un monde où je peux être
un oiseau quelconque
chantant, volant entre ciel et champ
un balancement d’ailes
haut, bas, haut, bas...
Être un oiseau, ça ne fait pas mal.
Un monde où je peux être une source
dévalant d’entre les rochers
vers les bras de l’ombre de la forêt
un balancement
d’ici près vers plus loin,
un murmure croissant de vie
eau, vie, eau, vie...
Être une source, ça ne fait pas mal.
Un monde où je peux être l’étoile
s’arrachant à sa place
pour survoler l’univers entier,
un balancement
entre plus et moins l’infini
éternelle, éternelle, éternelle…
Être étoile, ça ne fait pas mal.
Un monde où je peux être
un arbre vert
nourrit de sève et de soleil
un balancement de branches
du printemps à l’hiver
avec feuilles, sans feuilles,
avec feuilles, sans feuilles...
Être un arbre, ça ne fait pas mal.
Un monde de mots en liberté
voyageant en troupeaux désordonnés
si je les apprivoisais
ils pourraient m’appartenir,
si j’étais généreuse
ils m’ouvriraient, peut-être,
la porte de la forteresse,
se poseraient en vers
en érigeant pour moi la poésie,
un balancement d’âme
d’un état d’esprit
vers un autre état d’esprit.
Ceci n’est que mon rêve,
mais alors
est-ce qu’écrire la poésie
ça fait mal?
 
 
Poème
 
prête-moi tes yeux et prends les miens
pour vivre, le temps d’un regard,
nos vies, l’un l’autre, comme des liens
dont on se souviendra plus tard
 
quel profondeur a ton ciel,
et où vois-tu le bout du monde?
où donc, caches-tu l’essentiel,
dans quel béant émoi il fonde?
est-ce que tu vois dans tout amour
le même mystère qui m’interpelle?
vois-tu le sort broder l’ajour
de nos deux vies comme une dentelle?
ô, quels frissons de découvrir
le beau poème qu’écrivent tes yeux!
je garde ses vers comme souvenir
que je lirai un jour aux cieux…
 
 
Crépuscule
 
le soleil -
se glisser sous la jupe de la mer
eau et feu entrelacés
ardeur, douceur, frisson
excitation
ondulations
amour...
doré plongé dans bleu désireux
disque enflammé mêlé
de cheveux d’algues soyeux
étreinte divine
en lumière sanguine…
érotique tableau!
ne laissez pas les mineurs
regarder le coucher de soleil
dans la mer
 
 
Fais de moi ta muse
 
fais de moi ta muse
et je t’offrirai brun des yeux
en guise de rime,
la lyre de ma taille
pour jouer le rythme de tes vers,
des sourires -
substitut d’histoires au fins heureuses;
quand tu auras écrit la poésie
je plongerai comme dans la mer
d’un mot à l’autre
je disparaîtrai profondément
jusqu’à la page encore vierge -
muse d’occasion
attendant l’imploration
 
 
«au clair de la lune»
 
débarrassée de pensées
et figée dans un fauteuil
je fixe débilement un coin de plafond
et je m’en moque
que nous sommes presque huit milliards
que malgré le beau temps
quelque part au monde il pleut
quelque part on meurt
quelque part on rêve -
de rêves divers
que la maison d’en face est en travaux
ou que ma jambe gauche est engourdie
on s’en fou
de mon indifférence
au coin du plafond
pend un fil d’araignée
scandaleusement banal
pendant que je m’en moque
 
 
L’été à l’agonie
 
Avec les dernières forces
s’accrochent les feuilles aux branches,
la fin de toute une vie
pâlit sur leur visage,
souhaitant rallumer
les étincelles de la chaleur torride,
le soleil souffle encore
sur la braise restée
d’un brûlant juillet,
des récoltes abattues
se transportent dans les hangars,
matinées de fraîcheur
se débattent sous le brouillard,
des oiseaux inquiets
se mettent en rangées
devant les portes de départ
vers des pays étrangers,
la nuit allonge
l’ourlet de sa robe sombre,
les arbres rétrécissent
leur houppiers en ombres,
sous timides ovations
de pluies enfantes,
se pointe l’automne
à coups de coudes
arrivant des plaines
et marchant sans souci
par dessus l’été à l’agonie.

traduceri de Amalia Achard

Sursa: Amalia Achard, 2019